Forum régional de Cotonou sur la santé communautaire: les échanges entre pays du Sud sont plus que jamais indiqués

La fin d’année 2019 a été marquée par des évènements significatifs pour la santé communautaire dans les pays du Sud. Il s’est agi notamment du Forum Régional sur la santé communautaire dans le cadre des soins de santé primaires. Il s’est tenu du 12 au 15 novembre 2019 à Cotonou au Bénin.

Par Adalbert Tchétchia & Mohamed Ali Ag Ahmed

Ce forum avait pour objectif de promouvoir et accroître les investissements pour le renforcement des soins de santé primaires (SSP) à base communautaire dans les pays de l’Afrique de l’Ouest et du Centre. Il a réuni les ministres de la Santé du Bénin et du Liberia, des délégations pays, des organisations de la société civile et des partenaires au développement. Comme facilitateurs de la Communauté de Pratique Santé Communautaire (CH-CoP) et du réseau AFRAFRA, nous avons pu prendre part aux échanges et à la production des recommandations de la rencontre.

À l’extrême-droite, Dr YAMEOGO Pierre et, au milieu, les ministres de la santé du Bénin et du Libéria.
À l’extrême-droite, Dr YAMEOGO Pierre et, au milieu, les ministres de la santé du Bénin et du Libéria.

En marge du forum, nous avons eu un entretien avec le Dr Pierre Yaméogo, Secrétaire Technique chargé de la mise en œuvre de la Couverture Sanitaire Universelle (CSU) du Burkina Faso et en même temps coordinateur de la mise en œuvre de la plateforme One Health au niveau du pays. L’occasion a ainsi été donnée de revenir sur quelques points d’action majeurs du forum. D’emblée, notre interlocuteur n’a pas manqué de relever que les échanges entre pays du Sud étaient indiqués, voire indispensables et qu’ils se devaient d’être valorisés à travers des plateformes à l’exemple des fora et des communautés de pratique.

De la parole à l’action

Le forum de Cotonou a suscité beaucoup d’espoirs quant à l’avenir de la santé communautaire dans la sous-région. Les recommandations formulées pour relever les défis à la santé communautaire ont porté sur différents aspects que sont le financement des SSP à base communautaire, les ressources humaines, le renforcement de la redevabilité et la responsabilisation des communautés en matière de SSP, la coordination et le partenariat, le renforcement de la gouvernance, la mise en œuvre des SSP, le renforcement des systèmes de soutien, le renforcement des systèmes communautaires et l’autonomisation. À cet égard, notre interlocuteur, Dr Yaméogo, a relevé que les déclarations faites étaient pertinentes et qu’elles justifiaient l’impératif de passer de la parole à l’action.

«Il est bien de prendre des initiatives, beaucoup de déclarations. Mais quand vous regardez notre environnement de mise en œuvre, il faut qu’on essaie de quitter le domaine purement technique pour aller à la mise en œuvre.»

Passer des intentions à l’action en accordant la priorité aux populations vulnérables constitue le premier levier d’action pour les pays du Sud. Il est par ailleurs important d’anticiper sur certaines conditions déterminantes pour la mise en œuvre des interventions de santé communautaire.

Utilisation rationnelle des ressources

Une de ces conditions porte sur la gestion des ressources. Sur ce plan, leur utilisation rationnelle est clé, ce qui ressort des propos de notre interlocuteur:

«On a pendant ces quatre jours beaucoup échangé sur le financement. C’est vrai que le financement n’est pas suffisant. Mais quels sont les mécanismes que nous mettons en place pour pouvoir utiliser de façon rationnelle le peu de ressources disponibles? Vous-mêmes, vous savez que 20% à 40% des ressources sont souvent mal utilisées; soit ça ne parvient pas à destination, soit en réalité on utilise cela à autre chose. Et ça c’est vraiment un challenge que les pays du Sud devraient pouvoir résoudre rapidement.»

Le défi de la multisectorialité

En second lieu, la multisectorialité implique une certaine capacité à assurer un rôle de coordination de la santé communautaire au-delà du seul ministère de la Santé. Ainsi,

«Je fais le parallélisme avec le ministre des Finances. Vous savez que dans l’organisation des ministères des Finances, ils ont des représentants dans tous les départements ministériels. Pourquoi au niveau du ministère de la Santé, on n’aurait pas des représentants dans tous les autres départements ministériels? Ça va déjà impulser une voie vers la multisectorialité… La vision que j’ai c’est que les acteurs de la santé ne soient pas cloisonnés dans un département… on verra la différence.»

Quel que soit le mécanisme par lequel on procède, la multisectorialité requiert un changement de paradigme.

Et des propositions pour les communautés de pratique

Au terme de notre entretien avec Dr Yaméogo, un certain nombre de suggestions ont été recueillies pour ce qui est du fonctionnement des communautés de pratique. Il a été relevé qu’il leur appartient aussi de contribuer à la matérialisation de la devise de la couverture santé universelle (CSU) qui est celle de ne laisser personne de côté.

En ce qui concerne les activités, notre interlocuteur propose d’avoir une juste adéquation entre les activités d’échanges virtuels et celles de face à face.

«Il est bien d’échanger de façon virtuelle à travers une plateforme, mais il serait encore mieux, en mon humble avis, d’avoir des sessions, ne serait que tous les deux ans ou chaque année pour pouvoir échanger sur les thématiques précises. Nous avons le contexte aujourd’hui de changement climatique, surtout d’insécurité qui fragilise les systèmes de santé.» 

Une autre activité porte sur la co-production

«Et pour terminer, je pense qu’il faut joindre l’acte à la parole. C’est vrai que la CoP est là pour plaider en faveur de tout ce qui est bien et d’attirer l’attention aussi sur ce qui ne marche pas. Mais je pense qu’il faut qu’il y’ait des notes techniques spécifiques pour certaines choses qui marchent et qui ne marchent pas et que ce soit défendu.»

Le forum de Cotonou a donné une autre occasion de raviver l’engagement des pays de la sous-région en faveur des politiques de santé communautaire. La CH CoP et AFRAFRA comptent bien contribuer à soutenir cet engagement.

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