Le projet «Frontline Health», mis en œuvre par le Population Council, examine des façons efficaces de mesurer le rendement des agents de la santé communautaire (ASCs). L’objectif de ce projet est de fournir les ministères de la santé publique (MSPs) avec l’information nécessaire de développer ou adapter les politiques qui maximisent l’impact et avancent vers la couverture de santé universelle.
Par Amy Dempsey
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Début mai, le projet convoquait une réunion à Johannesburg à l’Afrique du Sud. Avec la participation des Partenaires d’Exécution de la Santé Communautaire (financés par USAID) et aussi les délégués des MSPs, USAID, UNICEF et la Fondation Bill & Melinda Gates, la discussion portait sur le statut des programmes de santé communautaire.
Lors d’un panel de discussion, les délégués des MSPs ont répondu à une question principale: Quels sont les défis de l’institutionnalisation des programmes de santé communautaire? Ce blog représente un résumé de leurs réponses.
Dr. Moise Kanyere Kakule, République démocratique du Congo: En RDC, il y a une longue tradition de participation communautaire, datant des années 1970 où il y avait des projets pilotes à petite échelle, inspirés par la déclaration d’Alma-Ata de 1978. Depuis lors, le pays organisait ses stratégies en gardant à l’esprit la participation communautaire. Toutefois, dans le déploiement des agents de santé communautaire, c’était difficile de les retenir, ce qui menait à un effort de reconsidérer le modèle de santé communautaire. L’idée était de s’engager au-delà des points de prestation de services en allant plus loin dans le système et «repositionner la communauté d’une cible à un acteur, une partenaire et quelqu’un qui pourraient bénéficier des services». Un élément de cette approche, est les comités villageois – l’entité opérationnelle de la stratégie – pourtant l’amplification et la diffusion sont difficiles dans ce contexte. Le défi ici est d’obtenir l’appui de collectivité pour cette vision, ce qui signifie qu’une augmentation de communication et autonomisation est impérative.
Il y a 500.000 personnes dans l’ensemble du personnel de santé et le défi est de les payer. « Comment élargir le nombre d’agents de santé communautaire rémunérés si nous faisons déjà face au défi de payer ceux qui travaillent pour nous maintenant ? »
Dr. Christopher Oleke, Ouganda: L’Ouganda renforce ses systèmes de santé communautaires par la formation des équipes de santé villageoises – minimum deux dans chaque village – avec un total de 180.000 ASCs formés et employés dans l’ensemble du pays. Ils travaillent sur une base purement volontaire, et pour devenir un membre d’une équipe de santé villageoise, ils suivent une formation de base d’une semaine. Leurs responsabilités sont simples: Ils mobilisent leurs communautés, les connectent aux points de services, diffusent des informations de santé, et distribuent les produits de santé.
Pendant les 18 dernières années, on appliquait cette stratégie et il y a deux ans, il y avait un examen approfondi de son efficacité. De l’examen, plusieurs questions de l’institutionnalisation de la main-d’œuvre en santé devenaient évidentes.
L’Ouganda, comme la RDC, a du mal à payer, motiver et maintenir en poste ses agents sanitaires villageois. Le second défi tient aux exigences bureaucratiques de rationaliser cette stratégie dans le système. «Il y a des exigences règlementaires qui affectent l’institutionnalisation. Dès qu’on formalise les ASC, quelle partie ou institution sera chargée de réglementer leurs services?»
Les législateurs en Ouganda ont aussi besoin des données qui montrent des résultats de l’investissement dans les programmes de santé villageois, particulièrement des données qui analysent la réussite des ASCs.
«Malgré les enjeux, il y a une attitude globale très positive que les équipes de santé villageoises contribuent à l’amélioration de la santé communautaire dans notre pays.»
Daniel Kavoo, Kenya: La santé communautaire commençait en 2006 avec le développement des documents structurels pour former les ASCs et les services de santé communautaires, ceux qui sont censés servir 5.000 personnes chacun. À ce moment, le financement est venu du MSP, cependant en 2014 le système de gouvernement a changé.
C’était à la fois une bénédiction et un défi. Tandis que la direction et la gouvernance sont un enjeu, les comtés acceptent que la santé communautaire fasse partie de la vie, même si elle n’est pas toujours une priorité. Actuellement, il y a des services dans chaque comté, pourtant le pays est censé d’y avoir 9.500 ASCs. Maintenant, le MSP ajoute 5.360 agents supplémentaires.
Une chose qui a beaucoup aidé est l’engagement du Président envers la santé. «Tout le monde parle de [la couverture de santé universelle]… Nous luttons pour la santé communautaire institutionnalisée.»
Jerome Korvah, Libéria: En 2013, l’UNICEF et le MSP ont évalué le programme de santé communautaire, la politique de la main-d’œuvre et l’épidémie d’Ébola. L’évaluation a montré que les installations sanitaires n’atteignent pas leurs objectifs de santé. De plus, il y avait une augmentation de la mortalité maternelle et infantile.
Ces conclusions encourageaient le MSP à examiner le système de santé entier et la politique de fonder la résilience de santé. Le MSP pouvait observer le différentiel d’accès entre les communautés urbaines et rurales – dans les cadres urbains, les installations étaient plus proches à la réalisation de leurs objectifs que dans les cadres ruraux, où les communautés peuvent se situer jusqu’à 10 kilomètres d’une installation de santé.
Cette évaluation menait à la question: Pourrait-on avoir un programme qui se concentre sur les régions rurales ? «Actuellement, nous avons 2 900 ASCs formés et déployés. Nous prévoyons que dans les trois années prochaines, nous pouvons combler un écart [entre les cadres urbains et ruraux]».
L’objectif au Libéria est d’y avoir 4 000 ASCs. Cependant, la mise en œuvre du programme est difficile – l’initiative du MSP d’augmenter l’accès aux services gratuits a résulté en des ruptures de stocks. De ce fait, le gouvernement officiel et les districts essayent d’exiger des frais pour les services, mais il est aussi difficile de mettre en œuvre cette politique.
Dr. Frantz Gerald Nerette, Haïti: La stratégie de la santé communautaire commençait en 2012, après deux catastrophes grosses – le séisme en 2010 et l’épidémie de choléra en 2011. Le gouvernement voyait l’importance d’augmenter l’accès aux services de santé au sein de la population.
«Il y a 1 900 médecins dans le pays et ils sont plus attirés au secteur privé. Soixante pourcents de notre main-d’œuvre de santé publique est concentré dans le capital… Le MSP a décidé qu’il faut faire plus pour augmenter l’accès aux services de santé pour tous.»
Afin d’assurer l’acceptation et la participation des communautés, les ASCs viennent des mêmes communautés où ils servent. Ils correspondent aux critères et au profil de la région et ils reçoivent une formation et un examen dans cinq domaines différents. Mais avant la formation et le déploiement des ASCs, il faut deux années de financement du programme et le MSP doit valider le programme de formation et les examens.
Dr. Plea Boureima, Mali: Avant les années 1990, il y avait des ASCs qui faisaient partie des soins de santé primaires, mais il y avait une lacune au niveau de la couverture. Une stratégie nationale, avec une vision et des objectifs, n’existait pas, alors le gouvernement a organisé un forum pour les soins communautaires et le commencement de la santé communautaire dans cinq régions. Malgré des résultats positifs, il n’y a pas assez de ressources humaines, et cent pourcents du financement vient des donateurs.
«Une autre question est la mise à l’échelle dans la région du nord, où les communautés se sentent laissées dans la stratégie de santé communautaire. Il y a aussi du conflit dans la région do nord.»
De plus, le procès de devenir un ASC exige beaucoup. Il faut neuf années d’études de soins de santé primaires, un certificat et un diplôme, ce qui entraine des infirmières et des médecins de devenir des ASCs. Cette situation présente un défi. Ils ont plus des compétences et ils n’adhèrent pas à l’ensemble d’interventions recommandées.
Bien que les ministères de santé publique représentés sur le panel soient à des stades d’institutionnalisation différents, cette discussion montrait qu’ils sont confrontés aux mêmes défis dans le développement des programmes de santé communautaire. La rémunération et le maintien en poste des ASCs, la fixation des règlementations appropriées et des mesures de responsabilisation, et la difficulté d’assurer l’engagement des communautés servies continuent de soulever des questions.
Avec la collaboration des «Partenaires d’Exécution de la Santé Communautaire», les ministères de la santé, USAID, UNICEF , et la Fondation Bill & Melinda Gates, le projet «Frontline Health» cherche à informer les décideurs politiques à comprendre les mécanismes les plus efficaces pour l’institutionnalisation des travailleurs de la santé de première ligne dans les systèmes de santé. À la fin, le projet cherche à soutenir une amélioration de l’accès aux soins de santé dans les populations difficiles à rejoindre.