Il semble qu’un consensus émerge: en Afrique, le système de santé communautaire va devenir un maillon fondamental dans le système de santé. Les organisations communautaires sont déjà très actives dans la promotion de la santé; mais leur implication va gagner en importance. — Par Sissoko Foussénou
Les défis de santé communautaire
Ces dernières années, la mobilisation et la participation communautaire ont été fortement soutenues par les programmes financés par les partenaires bi- et multilatéraux.
Malgré tout, des défis subsistent autour du développement de la santé communautaire; personnellement, j’en vois au moins trois:
- l’équité dans l’accès aux structures de santé par les communautés;
- l’approvisionnement régulier en médicaments et produits essentiels jusqu’au niveau communautaire;
- la mise en place d’un système fiable de motivation des Agents de Santé Communautaire (ASC).
Dans ce blog, j’aimerais me pencher sur ce troisième défi. Les ASC sont confrontés à des difficultés et il me semble que leur engagement n’est pas suffisamment reconnu. Une conséquence directe est le désengagement d’un grand nombre d’entre eux. Il est probable que les retards de payement des primes de motivation, l’insuffisance des mesures incitatives au niveau de la communauté et la faible contribution des collectivités territoriales n’aident pas.
Ne tournons pas autour du pot: la pérennisation du salaire des ASC est sur la table. Une proposition est l’intégration des ASC dans la Fonction publique des collectivités territoriales (approche que privilégie le Mali).
Initiative Union Africaine-ONUSIDA
En juillet 2017, les chefs d’État africains ont approuvé à Addis-Abeba l’Initiative des agents de santé communautaire qui vise à recruter, former et déployer deux millions d’ASC en Afrique d’ici 2020. Cette initiative vise à accélérer les progrès réalisés vers l’atteinte des cibles 90-90-90 d’ici 2020 (90 % de toutes les personnes vivant avec le VIH doivent connaître leur statut sérologique, 90 % des personnes qui connaissent leur statut sérologique doivent être mises sous traitement, et la charge virale doit être indétectable chez les 90 % des personnes sous traitement). L’Union africaine approuve de nouvelles initiatives majeures.
Les ASC disent-ils, sont incontournables dans de nombreux contextes, pour l’atteinte des cibles 90-90-90 et les avantages de cette nouvelle initiative vont bien au-delà de la seule riposte au VIH/Sida. L’initiative vise à accélérer les gains vers l’atteinte des cibles de santé de l’Objectif de Développement Durable 3.
L’implication des ASC est diverse. Ils participent à la prise en charge communautaire des enfants orphelins du VIH/SIDA en RDC. Au Cameroun, ils sont de plus en plus utiles dans les programmes de lutte contre le paludisme, lors des campagnes de vaccination, dans le suivi communautaire des patients et la recherche des perdus de vue au sein des programmes de lutte contre le VIH/Sida et la malnutrition. Cette initiative de 2 millions d’ACS créera aussi de nouveaux emplois qui renforceront les économies locales et nationales et offriront de nouvelles ouvertures aux jeunes. La nouvelle initiative est alignée sur la Stratégie mondiale sur les ressources humaines pour la santé de l’OMS.
C’est dans cette optique qu’un an après le lancement de cette initiative, l’expérience en cours au Sénégal depuis janvier 2018 est citée en exemple. Dans ce pays, 124 ASC seront mobilisés avec un budget total de 127.224.000 F CFA (223.000 USD) pour leur rémunération.
Un certain nombre de pays tels que la Côte d’Ivoire, le Cameroun, le Sénégal et Madagascar pour ne citer que ces pays-là ont développé des plans stratégiques spécifiques sur la santé communautaire. Les choses semblent donc se mettre en place.
Des doutes persistent toutefois pour la réussite de cette initiative de l’ONUSIDA et l’Union Africaine. Si l’on insiste sur le statut bénévole des ASC et qu’on prenne en compte le fait qu’ils ne percevront ni salaires, ni indemnités, l’initiative pourrait s’avérer utopique, et à bien des égards elle est d’ores et déjà hypothéquée. Pour envisager son succès, il est important de leur garantir, comme ce fut le cas au Sénégal, un salaire et des indemnités ou, à défaut, leur intégration dans la fonction publique comme le souhaite le Mali. Autre piste de solutions, une rémunération sur la base de la performance comme c’est le cas au Cameroun, dans le cadre de l’initiative PBF Communautaire.
Je serais curieux de savoir comment est perçue et analysée cette initiative dans vos différents pays? Quelles solutions préconisez-vous pour qu’elle réussisse dans vos pays respectifs? Le débat est ouvert!