Opinions des experts sur la santé communautaire

Comme tout concept, la santé communautaire peut être définit de différentes manières selon les considerations des uns et des autres. Les opinions des experts de notre Communauté de Pratique (CoP) ont été sollicitées et il était question de savoir ce que la santé communautaire signifiait pour chacun d’eux.

Lancée par Tarry Asoka le 12 février 2018, le débat reste ouvert et depuis lors 17 contributions ont été enregistrées dont 11 en Français et 6 en Anglais (voir le schéma en dessous). En plus d’avoir de définir la santé communautaire, d’autres objectifs portaient sur la définition des termes qui lui sont liés dont les Soins de Santé Primaire et la Santé Publique. Dans ce qui suit, nous vous proposons une synthèse des contributions des différents experts.

Abordant la définition de la santé communautaire, un certain nombre d’experts ont trouvé nécessaire d’apporter quelques précisions sur le concept de communauté. C’est ainsi qu’il est ressorti qu’une communauté est :

«Un groupe de personnes qui, bien que pouvant avoir des caractéristiques différentes, peuvent avoir en partage des interactions sociales dynamiques permettant de liens entre individus. La communauté intègre soit une dimension spatiale partagée (c’est-à-dire un lieu), soit des dimensions non spatiales (intérêts, problèmes, identités).»

La santé communautaire a été aussi mise en relation avec plusieurs autres concepts. C’est ainsi qu’elle a été située par plusieurs experts comme un domaine de la santé publique, un enjeu majeur des soins de santé primaires, un élément central de la médecine préventive, une stratégie clé de la promotion de la santé, un marqueur de la place des communautés dans les décisions politiques et de développement, une voie ouverte vers la couverture santé universelle. On peut relever certaines affirmations telles que : «La santé communautaire fait partie intégrante de la santé publique», «la santé communautaire est un élément central dans la mesure où la médecine préventive doit être érigée en pivot du système de santé.», «La santé communautaire n’est pas seule. Elle s’inscrit dans un cadre plus large autour de la place des communautés dans les décisions politiques et de développement».

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  1. La santé communautaire comme une production des acteurs de la sociétéLes experts ont attiré l’attention sur le rôle central des «individus, ménages, familles et acteurs communautaires à l’amélioration de leur santé et bien-être». Ce qui a permis de distinguer d’une part les actions autonomes, initiatives et projets de ces acteurs dans le domaine de la santé, et d’autres part les actions qui se produisent à la suite d’interventions conçues de l’extérieur dans le cadre d’un programme ou dans le paquet d’activités d’une formation sanitaire. En définitive, on peut retenir que la santé communautaire est le résultat de l’interaction entre divers acteurs pour promouvoir, protéger et préserver la santé au sein d’une communauté donnée, ce qui permet un renforcement de la gouvernance sanitaire locale et du partenariat entre les divers acteurs. Parmi ces acteurs, on peut citer les individus, les ménages, les familles, les communautés, les acteurs de la société civile (organisations à la base, églises, ONG, etc.), les entreprises et gouvernements à tous les niveaux. Quelques propos des experts permettent d’illustrer ce qui précède :«La santé communautaire se ramène aux initiatives, projets, entreprises des acteurs individuels ou collectifs qui volontairement s’investissent dans un des domaines de la santé (préventif, curatif, promotionnel) dans les communautés.»«C’est une appropriation progressive des meilleures pratiques familiales et communautaires visant la prévention et la protection des membres de cette communauté contre des maladies transmissibles et non transmissibles.»
  2. La participation communautaire, à la base de la santé communautaireEn lien avec la première perspective donnée de la santé communautaire, il vient de préciser le rôle central des acteurs communautaires. Ces derniers remplissent des fonctions à deux niveaux : celui de réaliser par eux-mêmes des actions qui participent même de la santé (lorsque par exemple les adultes recommandent aux enfants de laver leurs mains avant chaque repas) et celui de soutenir les actions ou interventions de santé dont l’efficacité, l’effectivité, la justesse et la soutenabilité reposent sur les acteurs communautaires (les services de santé à la base recourent aux acteurs communautaires pour retrouver les patients perdus de vue).Les experts ont ainsi, pour la plupart, indiquer que la santé communautaire tient sur le socle de la participation communautaire. Les caractéristiques de celle-ci sont d’être consciente, volontaire, systématique et dirigée vers l’amélioration de la santé et le bien-être des populations. Cette participation ne pourrait ainsi être effective sans appropriation réelle et autonomisation des communautés.
  3. La santé communautaire comme un processus à plusieurs étapesPour plusieurs experts, la santé communautaire s’appréhende au travers de sa mise en œuvre. C’est ainsi qu’elle repose sur plusieurs étapes qui peuvent être résumées comme suit : (1) réflexions sur les besoins et priorités ou diagnostic communautaire, (2) mise en place, (3) gestion et évaluation des activités. Un certain nombre de principes sont indiqués comme devant guider ce processus.  Ainsi, il est question de “ne pas faire pour les gens” mais de “faire avec les gens”.
  4. La santé communautaire, un champ de tensions et objet de perceptionsComprendre la santé communautaire implique aussi de prendre en compte les lignes de tensions qui la traversent. Comme indiqué par un des experts :«Premièrement, la santé communautaire requière à la fois une vision (la transformation de la société) et une  validation empirique (versus idéalisme/idéologie). Deuxièmement, elle débouche sur les défis empiriques, normatifs et politiques de la définition de ce que sont les communautés (spécialement dans les sociétés individualistes) et de leur sphère d’influence légitime (versus choix individuel par exemple). Troisièmement, c’est de nos un champ dynamique d’interventions en santé mondiale avec des enjeux liés au pouvoir considéré au niveau local, national et global (voir les risques d’instrumentalisation qui peuvent exister entre autres).»

Les lignes de tensions qui traversent la santé communautaire mettent donc enjeu plusieurs couples significatifs : idéologie/empirisme, individu/communauté, local, national/global.

La perception de la santé communautaire par les communautés constitue aussi un point d’intérêt. Un exemple est issue de la Gambie dans la mise en œuvre d’un projet portant sur la santé maternelle et infantile. Des construits sociaux comme «la protection et l’amélioration de notre bien-être», «Nous-Communauté» versus «Eux-Externes» font partie de la perception des populations. Ce qui permet de mettre en lumière les lignes de tensions potentielles et sur lesquelles une attention devrait être portée. Ainsi accorder une attention à la perspective des communautés vise avant tout une meilleure contextualisation de la santé communautaire.

Dans notre CoP, on est loin d’avoir épuisé les discussions possibles sur ce qu’est la santé communautaire, mais quelques tendances majeures ont déjà pu être dégagées, ce que nous nous sommes évertuées à mettre en exergue. Ce qui permettra de faciliter nos échanges ultérieurs.

Merci à tous les experts pour leurs contributions qui ont toutes été riches d’enseignements. Continuons d’enrichir notre plateforme dans le cadre des discussions et débats que nous lancerons !

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